Pour la plupart des Nord-Américains, la Colombie évoque la guérilla et la guerre des cartels de narco-trafiquants qui ont miné le pays pendant de nombreuses années. Ce n’est donc pas sans une certaine appréhension que l’on entre dans ce pays, et encore plus si on le fait à vélo, surtout qu’un jeune cycliste québécois rencontré au Pérou nous a raconté avoir été agressé par des motocyclistes en avril 2015 sur la route que nous prévoyions prendre! On a beau nous avoir affirmé que tout a changé, que les Colombiens sont accueillants et tout, on se demande bien dans quoi on s’embarque en traversant la frontière à Ipiales.
Avouons-le, ça n’a pas été le coup de foudre. Au poste de douanes, les changeurs d’argent vous harcèlent et ils se font un plaisir de vous arnaquer, surtout que vous n’avez pas le choix, il vous faut des pesos colombiens car nous, Canadiens, devons payer une taxe de ‘réciprocité’ parce que le Canada impose un visa aux Colombiens pour entrer dans notre pays. Une fois en règle, on reprend la route sous un ciel maussade et devinez quoi? Il faut grimper une côte interminable au côté de dizaines de camion qui nous enfument complètement!
Quand nous parvenons à Ipiales, quelques 7 km plus loin, nous sommes submergés dans une circulation ahurissante de motos et d’autos qui se coupent à qui mieux mieux, sans aucun égards les uns pour les autres, alors imaginez deux pauvres cyclotouristes fatigués coincés là-dedans! Le niveau de bruit assourdissant contraste violemment avec le calme du parc naturel d’où nous arrivons. Nous trouvons tout de même un petit hôtel relativement calme et nous prenons le temps de nous y reposer pour mieux appréhender ce qui nous attend.
D’abord, il faut nous informer sur la fameuse question de la sécurité sur l’itinéraire prévu. Beaucoup d’informations contradictoires circulent, il s’agit de démêler le vrai du faux. Nous voyons bien que depuis la frontière, il y a des policiers en grand nombre un peu partout. De plus, chaque pont est gardé par un groupe de militaires armés jusqu’aux dents. Vous devriez voir la taille de leur mitraillette, de quoi rendre Rambo jaloux! Mais ce qui nous rassure, c’est que tout ce beau monde en uniforme nous salue en souriant et les pouces en l’air pour nous encourager. On entend des ‘Feliz viaje’ (bon voyage!) et quand nous nous arrêtons à leur hauteur, les questions fusent, tout ça dans la bonne humeur.
Nous profitons du séjour à Pasto pour nous rendre en ‘colectivo’ à La Laguna La Cocha, un très beau lac de montagnes. La route est sinueuse à souhait et faut croire que nous ne sommes plus habitués de rouler en bus, car ça nous donne le tournis! Surtout que certains des véhicules servant de ‘colectivos’ sont plutôt déglingués.
C’est aussi à Pasto que nous parvenons à obtenir un peu plus de précisions sur la sécurité, grâce au fils du proprio du B&B où nous logeons. Il a contacté son beau-frère policier et il confirme qu’il y a bel et bien un risque d’agression sur le tronçon allant de Remolino à Popayan. Bon! nous pourrons donc prévoir un transport à partir de là…mais une fois rendus là-bas, impossible de trouver une camionnette! Comme nos expériences en autobus n’ont jamais été bien agréables, nous envisageons prendre la route sur nos vélos, malgré tout…mais avant de nous lancer, nous faisons une petite visite aux policiers. Ceux-ci se font rassurants nous disant que tout est sous contrôle, du moins jusqu’à El Bordo. Décidément, pas facile à suivre les informations sur la sécurité! Nous ferons finalement la majeure partie du trajet sur nos bécanes, sans être inquiétés d’aucune façon.
Par contre, à El Bordo, on nous dit que ce n’est pas seulement une question de risques d’agression jusqu’à Popayan, mais que la circulation est particulièrement intense et la route plus étroite, sans accotement. Donc, nous cherchons de nouveau un transport et, coup de chance, Guillermo peut nous emmener jusqu’à Popayan dans sa camionnette. Il nous fait une joyeuse démonstration de la conduite ‘sportive’ des Colombiens et Denise a plusieurs fois la frousse. Aurions-nous vraiment été plus en danger sur les vélos que dans cette camionnette lancée à toute allure sur une route de montagnes sinueuses? Hum! pas sûr!
Nous arrivons tout de même sain et sauf à Popayan, une magnifique ville coloniale, aux bâtiments élégants. Pour nous remettre de nos émotions, le lendemain, nous nous rendons en ‘colectivo’ aux ‘Termales' de Coconuco. Ce sont des bains d’eau chaude aux vertus prétendument curatives…à défaut de tout guérir, ça détend le muscle fatigué du cyclotouriste.
À Popayan, nous sommes hébergés chez Ronald, notre hôte Warmshower. Sa mère nous cuisine un repas typiquement colombien et la soirée se passe à échanger sur la vie en Colombie, entre autres sujets. Nous comprenons que les années de violence ont marqué les gens. Il y a à peine dix ans, personne n’osait sortir de la ville par crainte d’être volé, kidnappé ou même tué! Ce climat de peur laisse des traces…À tort ou à raison, l’obsession de la sécurité fait que tout le monde se barricade et il y a des agents de sécurité quasiment partout. À Cali, ils portent des matraques et des machettes et chaque restaurant a sa grille verrouillée devant la porte qu’on vous ouvre gentiment si vous voulez entrer. Plutôt intimidant de prime abord, mais on finit par s’y habituer et finalement, on se sent nous aussi plus en sécurité…à tort ou à raison…
Finalement, ce qui nous rassure le plus, ce sont les innombrables encouragements que nous recevons. Jamais vu autant de pouces en l’air! En auto, en camion, en moto, à pied, à cheval ou à vélo, on nous salue joyeusement. Dans les villes ou villages, on vient nous voir et on nous questionne sur le voyage. Nous remarquons aussi que tout le monde, dans les restaurants, dans les hôtels ou les commerces utilisent l’expression ‘con mucho gusto’, (avec plaisir!) avec le sourire. Il y a une façon polie et chaleureuse de s’occuper du client que nous n’avions pas remarqué beaucoup à date en Amérique du Sud. Ça aide à rendre un pays encore plus sympathique, n’est-ce pas?
Pour ajouter à notre plaisir, depuis Remolino, nous pédalons enfin à la chaleur. Nous nous plaindrons sans doute qu’il fait trop chaud bientôt, mais pour le moment, quel plaisir de rouler en culottes courtes et T-shirt, après des mois dans le froid de haute altitude! De plus, nous avons plus ou moins quitté les routes de hautes montagnes et nous filons dans de grandes vallées tapissées de plantations de canne à sucre. Les jambes adorent ça!
Il y a bien quelques bonnes pentes devant nous, mais rien qui se compare aux dénivelés équatoriens ou péruviens…quoique la ‘montée’ vers Medellin s’avère plus ardue que prévue, surtout que le mercure reste dans les 30 à 35 degrés. Nous suons à grosses gouttes, et il faut boire des quantités folles d’eau. Heureusement que nous trouvons compensation le soir venu, dans des petits hôtels avec piscine! On se sent quasiment en vacances…
Un des points forts des derniers jours a été notre séjour à la Hacienda Guayabal, près de Chinchina, une entreprise familiale de culture du café. Nous y avons appris mille et une choses intéressantes sur le café, du petit grain mis en terre à la production finale qui aboutit dans nos tasses le matin. Fascinant! Tout ça dans un cadre naturel paradisiaque. Nous sommes privilégiés de pouvoir vivre de telles expériences.
Nous voilà maintenant à Medellin, une grande cité dynamique, où nous prévoyons passer quelques jours. L’entrée en ville s’est passé comme un charme, nous nous sentions comme des pros, rien pour nous intimider!
Après plus de 20 jours en Colombie, maintenant, nous aussi nous pouvons dire ‘con mucho gusto’! Surtout qu’après Medellin, nous ferons nos deux dernières journées de grimpette dans les Andes avant de redescendre pour de bon vers les plaines en direction de Carthagène sur la mer des Caraïbes!
Bravo les amis! Vous avez un moral d'Acier...à toutes épreuves!
RépondreSupprimerUn moral d'acier et des jambes de béton!
SupprimerOn parle de vous sur Velocia.Ca ! Velocia.ca est un site Internet québécois où se retrouve les cyclistes québécois de tout acabit, du coureur au cyclotourisme en passant par toutes les variantes imaginables!. J'y suis connu sous le pseudo Rikimiki, et je viens d'y publier un texte résumant vos aventures actuelles et passées, puisque vous êtes pour nous une grande source d'inspiration! Voici le lien: http://www.velocia.ca/…/30570-voyageurs-velo-inspirants-3-c…
RépondreSupprimerSi des corrections pour inexactitudes ou imprécisions vous sont souhaitables, je m'en excuse à l'avance et je je verrai à corriger sans délai si vous m'en faites mention.
Au plaisir encore,
Normand Pion, Beloeil
Merci Normand,
SupprimerOui, en effet, retraités en 2012!