5 novembre 2013

Le couple à vélo - guide de survie!

Quand on décide de partir pour un voyage à vélo au long cours, on est loin de se douter de l’impact sur la vie de couple!  Facile d’idéaliser le tout et de croire que l’amour l’emportera toujours mais la réalité est tout autre et se charge vite de vous ramener sur terre.  Rassurez-vous, notre couple a survécu.  Mais nous avons appris une chose ou deux sur nous-mêmes...

Eh! oui, nous avons eu de belles chicanes, des très intenses même, comme cette fois sur une route sans fin du Kansas, où on s’engueulait à qui mieux mieux sur un sujet (toujours le même: Denise trouve que Charles va TROP vite et Charles trouve que Denise ne va pas ASSEZ vite!).  Donc nous voilà plongés dans notre colère, quand une camionnette s’arrête au bord de la route. Le conducteur baisse sa vitre et demande à Denise: «Are you ok?».  Nous nous tournons tous les deux vers lui et crions agressivement «YES!»  Hé!hé! pas besoin de vous dire que le bon samaritain a vite déguerpi nous laissant tous les deux surpris et penauds face à l’incongruité de la situation...Nous nous sommes regardé et...la tension a baissé.  Quoi faire d’autre que d’en rire?  C’est ce que nous avons fait.
Heureusement, ce genre d’engueulade n’est pas arrivé souvent.  Mais chaque jour a eu son lot de petites contrariétés qu’il a fallu gérer au mieux pour notre couple.

Mais pourquoi est-ce si différent sur la route?  Parce qu’être ensemble tout le temps, 24 hres sur 24, 7 jours sur 7, ça a un méchant effet grossissant sur le moindre  petit travers!  Tout est amplifié!   De plus, chaque jour nous sommes plongés dans un environnement étranger et confrontés à de multiples situations de stress auxquels nous réagissons souvent différemment, selon notre personnalité.  Alors bonjour tensions et frustrations surtout quand la fatigue, la faim, l’anxiété s’additionnent à ça!  

Alors comment survivre?

En parler...et s’ajuster, ce que nous avons fait, ou du moins essayer de faire! ;-)  Et surtout, garder notre sens de l’humour!!!

La vitesse!
Nous avons eu de multiples accrochages au sujet de la vitesse à laquelle il «fallait» rouler.  Charles a de la dynamite dans les pédales et Denise a parfois de la difficulté à maintenir la cadence.  Évidemment, on ne peut nier la différence physique, Charles est plus fort que Denise! 

Le seul moyen de rouler en harmonie, c’est que l’équipier le plus fort respecte le rythme du plus faible: simple, direz-vous, mais pas toujours évident à faire.  

Si Denise roule devant, elle a souvent l’impression que Charles lui «pousse» dans le dos, et elle augmente la vitesse inévitablement, ce qui mène rapidement au surmenage en fin de journée. 

Par contre, si Charles roule devant, Denise se sent vite larguée et intensifie l’effort pour éviter de se retrouver à trop grande distance. Résultat: elle est épuisée en fin de journée!

Denise se rend compte qu’elle n’aime pas se sentir «le maillon faible» de l’équipe...Orgueil mal placé peut-être?  Pourtant, il faut accepter l’évidente différence physique!  Et l’âge, là-dedans?  Charles est plus jeune que Denise...Autre sujet sensible!  Alors comment atténuer le sentiment d’infériorité?  En y mettant un brin de psychologie! 

Charles fait donc de gros efforts pour s’adapter à la vitesse de Denise quand elle roule devant, modérant son enthousiasme sur les pédales et quand il prend les devants, par exemple, dans les montées, il attend Denise patiemment...le plus souvent.  Mais encore faut-il qu’il lui laisse le temps de récupérer avant de repartir!!!  Autre sujet de discussion! ;-) 

Charles suggère parfois l’acquisition d’un tandem...Denise n’arrive pas à s’imaginer derrière Charles, tout le temps, tout le temps!  Avoir de «l’espace» parfois, ça aide à laisser la poussière retomber... ;-)

Denise travaille sur son «orgueil» et sa compétitivité.  Il faut bien accepter ce que l’on ne peut changer!  Elle se rassure en disant qu’après tout, même si elle a roulé plus lentement, elle les a tous pédalé les 8 332 km du voyage! 
Comme vous pouvez le voir, rien n’est jamais complètement réglé et le naturel revient souvent au galop, mais nous avons finalement réussi à trouver un mode de fonctionnement harmonieux...la plupart du temps.  

Après discussions avec d’autres couples de voyageurs, nous avons aussi réalisé que notre «cas» était loin d’être unique!  La même dynamique a affecté la plupart des couples à pédale!  Rassurant, n’est-ce pas?

Nous disons souvent que nos vélos ne sont pas faits pour aller vite mais pour aller loin...il suffit d’appliquer la même règle aux deux cyclistes qui les chevauchent.  Il faut aussi se rappeler que le but de notre périple, ce n’est pas la vitesse et la distance, c’est le voyage en tant que tel et les multiples découvertes à faire sur la route.

D’ailleurs, nous prévoyons nous donner plus de temps et surtout plus de liberté lors de notre prochaine aventure.   Nous aurons un point de départ mais contrairement à la traversée des USA, nous n’aurons pas de point d’arrivée fixe à tout prix.  Nous voulons découvrir l’Amérique du Sud en partant quelque part (à déterminer) et en roulant au gré des découvertes, selon nos envies et surtout, nos capacités en tant qu’équipe.  Après 18 mois sur la route, nous reviendrons tout simplement, où que nous soyons rendus!  Les seules contraintes que nous aurons, ce seront les saisons évidemment, et la rareté du ravitaillement ou de l’hébergement ici et là.  De plus, de temps en temps, accepter un «lift» ou prendre un autobus pour se sortir de la «misère» nous parait une bonne façon d’adoucir certaines journées difficiles.  Nous ne sommes pas des purs et durs de la pédale, nous sommes des voyageurs qui avons choisi le vélo comme mode de transport principal!

L’hébergement et la bouffe.
Avant notre départ, nous avions déjà établi un budget approximatif pour l’ensemble
du voyage.  Pour respecter nos chiffres côté hébergement, il était clair que nous devions camper le plus souvent possible et utiliser la ressource Warmshower au maximum.  

Mais nous avions convenu que le motel serait une option une fois par semaine.  Nous adorons camper mais, avouons-le, ce n’est pas toujours de tout repos.  De plus, même si les lits étaient la plupart du temps très confortables chez les hôtes Warmshower,  et que la majorité des gens étaient super intéressants, c’est l’intimité qui pouvait laisser à désirer.  Alors une nuit dans un motel, seuls tous les deux, sans avoir à faire la conversation à des tiers, c’était un p’tit plaisir à s’accorder de temps en temps...pour le plus grand bonheur de notre couple!  

Un autre défi, surtout pour Denise, (infirmière, sors de ce corps!), c’était de s’habituer aux différents degrés de salubrité de certains campings ou maisons (cas exceptionnels, heureusement!)  C’est bien fatigant de voir des microbes partout et le Purell était toujours à  portée de main!  Denise devra travailler fort sur cet aspect pour survivre en Amérique du Sud! ;-)

Pour ce qui est de la bouffe, bien manger nous paraissait indispensable à tous les deux, puisque c’est notre carburant de base. Nous avions donc convenu que le repas au restaurant ferait partie des plaisirs ponctuels à s’offrir.  Nous n’avons jamais lésiné sur la qualité des aliments au moment du ravitaillement non plus.  Et pour notre plus grand bonheur, les hôtes Warmshower en général ont été de merveilleux pourvoyeurs de bonne bouffe énergisante.  

Denise a parfois un peu plus de penchants vers le «luxe» du motel, et une attirance marquée pour une certaine «gastronomie» alors que Charles trouve son bonheur dans n’importe quel «fast food», ce qui ne manque pas aux USA.  Mais en mettant un peu d’eau dans notre vin, nous sommes parvenus à très bien nous accorder sur ces aspects de la vie sur la route.  

Partage des tâches
Voyager comme nous le faisons demande pas mal de préparation et franchement, je
dirais même que c’est du travail des fois!   Alors il faut partager les tâches.

Denise faisait le repérage touristique, la recherche sur les différents parcs nationaux et les villes. Charles préparait les itinéraires sur MapmyRide et le GPS en plus de repérer les hôtes Warmshower et de les contacter.  Denise prenait les photos et préparait les albums, en plus d’écrire la plupart des textes du blogue alors que Charles filmait les scènes vidéo et en faisait le montage.  Denise préparait les repas et s’occupait du ravitaillement en nourriture et en eau (sauf quand il fallait filtrer,ce qui demandait la force de Charles!).  Charles montait et démontait la tente.   Denise s’occupait du lavage et de l’entretien des vêtements et équipements de camping. Charles voyait à l’entretien des vélos.  Et ainsi de suite.  Nous avions certaines responsabilités précises mais nous  faisions souvent équipe pour certaines tâches histoire de terminer en même temps pour pouvoir relaxer...ensemble.

Loisirs
Nous avions apporté chacun une liseuse.  Quel bonheur de lire en camping quand il n’y a rien d’autre à faire!  Rien de plus relaxant que dévorer un bon livre à la lueur de la lampe frontale, enfouis dans nos duvets. 
Nous avions aussi chacun un ordinateur portable,  indispensable pour deux passionnés comme nous.  Charles préparait ses vidéos, pendant que Denise travaillait sur ses photos et dès que nous avions une connexion internet, nous alimentions le blogue ou faisions de la recherche sur l’itinéraire à venir.  D’ailleurs, nous pensons que le fait d’avoir un blogue à alimenter devient un excellent prétexte pour prendre un ou deux jours de repos de la route. 
Évidemment, l’ordinateur nous est vite apparu indispensable pour communiquer avec notre famille, nos amis ou tout simplement pour nous évader en profitant des mille possibilités de divertissement sur le web. 

Conclusion 
Après plus de 5 mois sur la route, nous sommes revenus fatigués, oui, mais fiers de ce que nous avons accompli.  Nous avons eu des divergences que nous avons appris à surmonter au jour le jour et même si cela reste toujours un «work in progress», notre couple est plus fort que jamais.  Nous sommes passés au travers une dure épreuve quand Denise a eu son accident, moments difficiles qui nous ont énormément rapprochés.  
Nous avons parfois rencontré sur la route des gens seuls qui faisaient le même genre de voyage que nous et qui nous passaient ce commentaire: «Vous êtes vraiment chanceux de pouvoir vivre votre passion à deux»...Pour toutes sortes de raisons, certains se retrouvent seuls dans la vie, surtout vers la cinquantaine.
Alors, quand nous faisons le bilan de ces 159 jours à vélo, ce que nous retenons surtout, c’est le bonheur d’avoir été ensemble pour partager les milliers de moments exaltants du voyage et les centaines de rencontres enrichissantes que nous avons faites.  Soyez sûrs que nous apprécions chaque jour la chance extraordinaire qui nous est donnée de poursuivre notre route tous les deux... ensemble!

À suivre...plus que jamais, en Amérique du Sud en 2014!