Mendoza nous a plu. Après toute cette chaleur et ces espaces désertiques, se retrouver sous un dense couvert d’arbres dans une ville, ça a du charme. En effet, à Mendoza, toutes les rues ou presque sont bordées par de grands arbres et de nombreuses fontaines rafraichissent les beaux parcs. Il fait bon prendre le temps sur les terrasses des nombreux cafés et restaurants, flâner sur la rue piétonnière Sarmiento, faire du lèche-vitrine sur Las Heras. Ambiance détendue, gens sympathiques, Mendoza n’est pas facile à quitter après 3 jours, mais la route du sud nous appelle!
Cependant, une ville reste une ville et y entrer ou en sortir à vélo comporte son lot de difficulté. C’est ainsi que nous nous retrouvons d’abord sur une voie rapide où nous frôlons la mort à quelques reprises (bon! j’exagère peut-être un peu mais c’est drôlement stressant. Finalement, Charles trouve une alternative grâce au GPS, par la vieille route 40, toute calme, ombragée, à travers d’immenses vignobles, bordée à l’ouest par la «precordillera» des Andes avec des sommets enneigés. Nous roulons beaucoup plus détendus jusqu’au retour sur l’autoroute, mais cette fois, un immense accotement asphalté nous rassure et on file plein sud. Fin d’après-midi, nous trouvons un camping à demi ouvert un peu après Tunuyan et pour la première fois, nous payons pour camper mais il y a douche chaude et toilettes qui fonctionnent! Un concert de grenouilles dans le petit lac à côté nous bercera toute la nuit…
Nous décidons ensuite de faire un détour par San Rafael, parce qu’on nous dit que le tronçon de la Ruta 40 entre Paretidas et El Sosneado est en gravier et en très mauvais état. Mais, surtout, il nous faut prévoir une étape avec accès à internet pour régler certains problèmes de matériel que nous devons commander. Alors, nous nous retrouvons sur la route 143, en direction de San Rafael, un peu plus à l’est, pour une centaine de kilomètres à travers une zone désertique. Ça grimpe progressivement une bonne partie de la journée et le soleil brille de tous ses feux ce qui fait aussi monter la température! Le paysage devient peu à peu monotone…
Fin d’après-midi, au moment de trouver un espace pour camper, nous voilà confrontés aux fameuses clôtures argentines. En effet, de chaque côté de la route, à environ 30 ou 40 mètres du bord, d’interminables clôtures se dressent, seulement interrompues ça et là par des barrières cadenassées à double tour avec affiche « Propriedad privada »! Quand nous apercevons finalement une maison pas très loin de la route, nous décidons de demander la permission de camper quelque part. De la barrière, Charles fait signe à un homme dans la cour, mais celui-ci hésite, puis nous ignore complètement! Décontenancés, nous allons de l’autre côté du chemin, à l’écurie, où un jeune homme timide nous dit que nous pouvons camper au bord de la rivière près du pont que nous venons de franchir. Mais vérification faite, il n’y a que de grands espaces en sable, et aucune ombre. De plus, nous remarquons que même dans le lit de la rivière asséchée, des clôtures nous empêchent d’accéder aux terrains où quelques buissons nous permettraient au moins de nous abriter un peu du soleil qui tape fort. Finalement, nous poursuivons la route, dans l’espoir de dénicher un site ombragé quelque part.
Heureusement pour nous, le vent est favorable et la route descend légèrement, ça file donc sans problème, si bien que ne trouvant aucun endroit accessible, nous décidons de nous rendre à San Rafael, ce qui mettra 157 km au compteur pour la journée! Un record pour nous! Nous arrivons en ville vers 20 heures, par une piste cyclable de 12 km. Comme nous stoppons pour consulter le guide afin de trouver un hôtel, une dame nous aborde et nous propose la location d’une « cabana », c’est-à-dire, chambre, salon, salle de bain,cuisine équipée, patio privé, et tout ça pour le prix d’une chambre d’hôtel moyenne. Très sympathique, Alicia nous installe en moins de deux dans un mini chez nous! Nous sommes ravis de pouvoir nous reposer ici une journée complète, car, oui, nous méritons une petite pause après cette distance record.
Journée de congé pour nous, rime avec corvées plutôt terre-à-terre, comme faire un peu de lavage, faire le marché, entretenir les vélos et le matériel. Il faut aussi trier les photos, répondre aux courriels, planifier l’itinéraire, donc ça passe vite! Nous repartons par la route 144, direction sud-ouest pour rejoindre de nouveau la fameuse Ruta 40. Il faut d’abord franchir la Cuesta de Los Terneros, où la route déroule ses lacets entre des falaises colorées. Au sommet, la vue sur San Rafael au loin se noie dans une brume de chaleur. Par la suite, c’est la descente vers la pampa, longue plaine aux allures de désert. De nouveau, nous roulons dans un espèce de corridor clôturé. Nous remarquons bien quelques habitations ici et là, dans un bouquet d’arbres, mais elles sont toujours très éloignées de la route.
Milieu d’après-midi, nous voyons droit devant nous de gros nuages menaçants…et des éclairs zèbrent le ciel. Échapperons-nous à l’orage? Rien que l’immensité autour de nous! Juste au moment où les gouttes de pluie se font de plus en plus insistantes, nous apercevons un petit abri de ciment avec un grand graffiti disant « Ven Jesus te ama » (Viens, Jésus t’aime)! Nan! rien de surnaturel, juste un de ces hasards extraordinaires, un petit abri-bus à l’intersection de la Ruta 40 et le la route 144, qui nous sauve de justesse d’une méchante averse. Ça tombe dru pendant presqu’une heure et le tonnerre résonne à faire trembler notre abri, mais nous restons au sec, dieu merci! Le soleil revient presqu’aussitôt après l’orage et hop! on reprend la route.
Vers la fin de la journée, encore une fois, c’est la quête pour un espace où piquer la tente, autant que possible à l’abri du vent qui souffle de plus en plus fort, et avec un peu d’ombre pour nous empêcher de cuire au soleil. Nous tentons de nouveau le coup à une barrière où pour une fois, la maison n’est pas très loin. L’homme à qui Charles s’adresse semble bel et bien nous voir, mais il continue à vaquer à ses occupations et malgré nos signes répétés, rien à faire, il ne daigne même pas nous saluer! Dépités, nous continuons encore un bout avant de nous résoudre à dresser le camp près de la clôture, dans un petit fossé nous cachant tant bien que mal à la vue des automobilistes. Nous arrimons solidement la tente avec de grosses roches et…le vent tombe complètement! Bon! au moins quelque chose de positif…En fait, nous passerons finalement une nuit très calme car la circulation sur cette route désertique est plutôt rare la nuit.
Levés au petit matin, au sortir de la tente, nous apercevons un «gaucho» à cheval qui longe la clôture de l’extérieur, dans notre direction. Denise sort son plus beau sourire et dans son meilleur espagnol, elle salue le bonhomme, qui reste de marbre, marmonne bien un « Hòla! » mais sans plus, avec une mine du genre, « Vous avez affaire à décoller d’ici »! Nous prenons quand même le temps de préparer le petit déjeuner et nous partons tranquillement en direction de Malargüe, notre objectif de la journée.
Nous voyons les montagnes se rapprocher progressivement à mesure que la route monte en direction sud-ouest. Arrivés à Sosneado, où la Ruta 40 bifurque plein sud, nous stoppons à un « Minimercado » où de délicieuses « empanadas » nous attendent. Pendant que nous pique-niquons, un groupe de touristes argentins débarqués de leur bus s’approchent de nous. Certains se prennent en photo à tour de rôle avec les vélos! D’autres nous font la
conversation, nous questionnant sur nos impressions de l’Argentine. Quand nous avouons être plutôt déconcertés par l’accueil froid des gens de la pampa, ces citadins venant de Rosario, nous expliquent que la situation économique catastrophique de leur pays a accru la criminalité et les gens des campagnes ont tout simplement peur! Eh! bien! Ce n’est pas la première fois qu’on nous prévient contre d’éventuels dangers. Quand nous sommes arrivés à Mendoza, deux femmes nous ont convaincu de changer d’itinéraire car selon elle, nous « allions entrer dans un quartier dangereux où on volait les étrangers »! Et en plein coeur de Mendoza, alors que je photographie la cathédrale, une femme, toute alarmée, me dit de « cacher ma caméra car je peux me faire voler »! Paranoïa quand tu nous tiens…Pourtant, jamais nous ne nous sommes sentis en danger nulle part depuis que nous sommes en Argentine. Mythe ou réalité, nous restons prudents évidemment.
Après cette agréable pause, il faut reprendre la route et cette-fois, le vent joue avec nos nerfs le reste de la journée. D’abord favorable, il souffle ensuite de côté, de plus en plus fort. Puis enfin, on le sent qui nous pousse dans le dos pendant un bon moment, avant qu’il ne décide de carrément nous freiner, avec de sérieuses rafales de face, au moment où nous approchons de Malargüe. De quoi rendre tout cyclo-voyageur fou!
Ou du moins, nous faire sentir que les jambes ont encore besoin d’une petite pause…Nous resterons donc à Malargüe 2 nuits car la prochaine étape s’annonce difficile: chemin de gravier, villages très éparpillés, approvisionnement rare…Encore de beaux défis devant nous quoi!
À suivre…
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