Après 10 mois de voyage, nous voici maintenant de retour au Pérou, plus précisément à Arequipa, une superbe ville coloniale du sud du pays. Nous prévoyons y rester au moins une semaine. D’abord, il faut nous reposer des dernières semaines de vélo assez intenses, en moyenne altitude, et nous devons aussi régler tous les problèmes causés par notre mésaventure à Antofagasta au Chili. En effet, la fin de notre séjour au Chili a été bouleversé par le vol du sac de guidon de Denise.
Donc, retour en arrière, à Antofagasta, où après un arrêt de 3 jours, la décision est prise, nous prenons un autobus de nuit pour Arica, tout près de la frontière avec le Pérou. L’arrivée là-bas est prévue pour 8 hres du matin. Si nous réussissons à bien dormir dans le bus, nous reprendrons immédiatement la route à vélo, pour Tacna au Pérou, à seulement 57 km. Du moins, c’était notre projet, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu.
Denise raconte:
« Après avoir passé la journée à flâner au bord de la mer, nous arrivons vers 19 heures au terminal, avant la noirceur, pour préparer les vélos et les bagages. Notre départ est prévu à 22 heures. Nous sommes donc tranquillement installés avec nos affaires et il n’y a qu’à attendre en observant le va-et-vient constant de cette gare routière hyper achalandée. À deux reprises, des incidents louches nous rendent méfiants, nous sentons qu’on cherche à nous distraire. Mais c’est au moment de l’embarquement que les choses se précipitent. Un homme nous offre de nous aider avec les bagages, jusque là, ça va, il parait sympathique. Puis au moment où nous montons dans le bus un autre type qui semble travailler pour la compagnie de bus nous demande nos billets. Nous les lui montrons, et nous nous assoyons à nos places près de la porte d’entrée. Nous nous sentons un peu bousculés, sans plus, mais quelques minutes plus tard, le type qui nous a aidé revient au bus et demande à Charles de venir lui montrer où replacer le chariot à bagages. Charles n’est pas sitôt sorti que j’entend cogner dans la vitre près de moi. Je me retourne et voit un type qui me fait de grands signes. Je l’ignore et me retourne vers la porte, et je vois Charles qui revient…Et là, catastrophe, nous réalisons qu’il manque mon sac de guidon!!! Il était devant le siège près de l’allée, donc près de la porte d’entrée. Nous cherchons partout, personne n’a rien vu…et soudain, nous réalisons ce qui vient de se passer. Nous nous sommes fait avoir pas à peu près! Et dire qu’on a dit de gros mercis à ce type qui nous avait aidé. Comme on se sent stupides sur le coup! Mais ces bandes savent bien nous déstabiliser, surtout le soir, nous sommes fatigués, stressés, ils profitent de notre vulnérabilité. La perte est énorme: caméra haut de gamme, lunettes soleil avec prescription, Ipod, carnet d’adresses des gens rencontrés, cartes routières, et plein d’autres petits objets utiles. Seule consolation: le portefeuille habituellement dans la sacoche, était sur moi, donc pas un sou pour ces voleurs! »
Évidemment, suite à ce coup dur, impossible de se détendre et de dormir pendant le trajet, même si nous sommes relativement confortables dans nos gros fauteuils ‘cama’ (lit). Nous arrivons à Arica tel que prévu vers 8 heures du matin. Une fois les vélos remontés, nous roulons vers le centre-ville pour trouver un petit resto où déjeuner et faire le point sur la situation afin de voir les solutions qui s’offrent à nous pour remplacer l’équipement perdu. « The show must go on » qu’ils disent!
Installés à une agréable terrasse sur une rue piétonnière, nous nous préparons à savourer de délicieux cafés quand une sirène d’alarme retentit dans la ville. Qu’est-ce que c’est? Nous voyons tout le monde remonter rapidement la rue dans le sens opposé à la mer…et tout à coup, le personnel du resto nous dit qu’il faut aller à l’intérieur et fermer les portes! Ils nous font même entrer nos vélos! Finalement, ils nous rassurent en précisant qu’il s’agit d’un exercice en cas de tsunami. Ouf! Au bout d’une trentaine de minutes, tout revient à la normale. Décidément, on pourra dire que notre séjour au Chili se termine de façon mouvementée.
Pas question de prendre la route tout de suite, fatigués comme nous le sommes. Nous restons donc ici et tentons de trouver un magasin de vélos pour au moins remplacer le sac de guidon, mais des 3 boutiques trouvées, aucune ne vend de sacoches. Nous achetons tout de même un odomètre et des lumières clignotantes (oui, c’était dans le sac volé!). Le proprio de la boutique Bianchi est vraiment sympathique, nous passons une bonne heure avec lui, à parler…de vélo et de voyage! Nous trouvons la petite ville d’Arica agréable. Il ne faut surtout pas garder un mauvais souvenir du Chili, un pays que nous avons adoré. L’incident au terminal de bus aurait pu se produire dans n’importe quel pays à travers le monde. Mais avouons que ce genre d’événement secoue et la confiance en prend un coup. Nous resterons sur nos gardes encore plus à l’avenir, mais notre résolution, c’est d’éviter de prendre des autobus autant que faire se peut. Vive le vélo et son autonomie!
Le lendemain nous repartons sur nos bécanes pour traverser la frontière du Pérou. Tout se passe sans encombre aux bureaux de la douane et nous voilà en route pour Tacna, toujours à travers le désert. Le temps reste nuageux, chaud et humide. Denise ressent de petits désagréments gastro-intestinaux qui l’affaiblissent un peu, c’est donc très fatiguée qu’elle arrive à destination. Heureusement, nous trouvons vite un ‘hostal’ agréable, en fait, selon les critères que nous avions précédemment connu au Pérou, c’est quasiment un palace et pas cher! La ville nous parait sympathique, nous y resterons donc une journée de plus pour laisser passer tous les petits bobos.
La forme revenue pour Denise, nous attaquons la route en direction d’Arequipa. Il faut d’abord rouler sur la Panaméricaine, une autoroute à travers le désert, plutôt monotone. Peu après Tacna, un jeune cycliste péruvien nous double puis il décide de rouler avec nous une vingtaine de kilomètres tout en nous faisant la jasette. Manuel a 15 ans et il se prépare à devenir ingénieur de mines. Il adore le vélo et rêve de voyager. Son groupe finit par le rejoindre et nous nous retrouvons avec tout ce beau monde à vélo pour une photo. Denise est bien fière de voir une jeune femme dans ce groupe de sportifs, fait plutôt rare ici au Pérou.
La gang de cyclistes repart vers Tacna alors que nous poursuivons notre montée, mais pour le moment, l’effort demandé reste progressif si bien que nous roulons 92 km le premier jour. Nous campons derrière un édifice abandonné à la périphérie du petit village d’Alta Camiara. Le 2e jour, ça devient plus sérieux: 1,450 mètres de dénivelé, sur 72 km, avec la chaleur en prime! Heureusement que nous avons de bonnes réserves d’eau. Nous arrivons à Moquegua fourbus, et la douche à ‘l’hostal’ est jouissive! Charles suggère un arrêt d’une journée…que Denise approuve instantanément!
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Nous profitons de cette journée de congé pour nous informer plus précisément sur la route en gravier qui grimpe jusqu’à Arequipa. Fernando, le responsable de la Direction régionale du tourisme, lui-même un cycliste, se fait un plaisir de nous détailler notre itinéraire jusqu’à Arequipa. Ça ne sera pas de tout repos, mais ça promet d’être beau au moins, en tout cas plus intéressant que la Panaméricaine et sa circulation constante!
Pour nous ménager un peu, le premier jour d’ascension commence sur l’asphalte jusqu’à Puente Otona où nous arrivons en fin de journée après avoir quasiment tout redescendu ce que nous venions de monter! Ce qui signifie qu’on va regrimper le lendemain, évidemment. Comme les journées sont de plus en plus courtes en cet automne péruvien, le soleil nous quitte vers 17h30. Il faut vite monter le camp au bord de la rivière, après avoir demandé la permission à une vieille dame. C’est donc dire que les nuits sont longues, quand on bivouaque. Le beau côté de la chose, ça permet de récupérer! Le soleil se lève vers 6 heures, si bien que nous sommes sur la route assez tôt pour rouler dans la fraicheur du matin.
Le lendemain, nous attaquons donc la remontée sur du gravier, ou plutôt ce qu’on pourrait appeler de la terre battue. Ça roule très bien, la surface étant quasiment aussi douce que du bitume. Mais il faut bien que ça se corse un peu pour éviter qu’on s’ennuie. Quand vient le temps de redescendre, la route se transforme en piste rocailleuse, fortement endommagée par les abondantes pluies des derniers mois, si bien que ce sont nos mains qui se fatiguent de tenir les freins afin d’éviter la chute! Nous avons toutefois le temps d’admirer les panoramas extraordinaires de la Quebrada Sajena. Décidément, nous allons manquer de superlatifs pour vous décrire la beauté des paysages andins tellement la nature s’est surpassée en merveilles ici!
Fin d’après-midi, nous décidons d’arrêter pour un bivouac dans un petit coin discret, en plein désert, derrière un champ de cactus. Pas âme qui vive à la ronde et peu de circulation sur la route, ça nous semble parfait. Pourtant, vers 18 heures, alors que nous venons de nous installer dans la tente à la noirceur, une voix se fait entendre: « Hòla! amigos! » Charles va à la rencontre de Leonel, le propriétaire du terrain! Eh! oui! le désert appartient à quelqu’un. Leonel a une maison à 1 kilomètre d’ici, et il veut tout simplement s’assurer que tout va bien pour nous. Charles lui fait la jasette un temps avant qu’il ne nous souhaite bonne nuit. À 6 heures du matin, le voilà de retour, pour vérifier si nous avons bien dormi et il nous pose mille questions sur le Canada. Il rêve de venir s’y établir un jour mais le climat lui fait un peu peur…
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Nous poursuivons notre lente progression dans les montagnes. En kilomètres parcourus, les journées semblent courtes mais quand on mesure les dénivelés que nous grimpons, on comprend mieux pourquoi nous avons les pattes fatiguées en fin de journée. De plus, le revêtement de gravier varie de la rocaille au sable, en passant par la planche à laver et les nids-de-poule géants. Denise préfère rouler près de la falaise plutôt qu’ou bord des vertigineux ravins…surtout que des rafales de vent furieux viennent parfois nous secouer. Ce soir-là, nous arrivons fourbus au petit village de Urinay et à la première maison, nous demandons au couple qui est dehors où nous pourrions camper en sécurité. Ils se consultent et nous emmènent au bout du village dans leur champ clôturé, sous une pergola, à côté de vignes, et ils nous invitent à nous installer. Ils nous offrent même de nous apporter un repas! Pourquoi pas? Une trentaine de minutes plus tard, l’homme revient avec 2 énormes assiettes remplies de riz, de patates et de…cochon d’Inde (cuy)! C’est notre premier essai pour cette viande considérée comme très nutritive ici. Cuit à l’étouffée dans une sauce goûteuse, ça nous laisse un peu perplexe mais la faim aidant, nous mangeons presque tout. En bonus, il nous a apporté d’énormes avocats frais, absolument délicieux.
Installés dans la tente ce soir-là, nous entendons tout à coup des chants religieux qui s’approchent et d’énormes pétards explosent un peu partout dans la montagne! Nous qui nous attendions à une nuit tranquille! Heureusement, vers 22 heures, ça se calme et ce n’est que le lendemain, à la sortie du village, que apprendrons ce qui se passait. En effet, 2 hommes plutôt guillerets viennent à notre rencontre sur la route. L’un d’eux, un peu moins éméché que l’autre, nous explique que c’était la fête de la Virgen de Chapi, le 1er mai et que les gens chantent en procession et gravissent la montagne pour rendre hommage à la Vierge. Les pétards font partie de la fête, évidemment. Certains étirent les célébrations plus longtemps que d’autres, cependant…
Comme à Coalaque, où nous nous arrêtons luncher sur le perron de l’église. D’abord, une fillette nous tient compagnie, curieuse de savoir d’où nous venons. Puis tout à coup, une voiture sans silencieux, avec la musique à fond la caisse, s’arrête pas loin de nos vélos. Trois hommes en descendent. Seul le chauffeur semble un peu moins imbibé d’alcool. Les deux autres titubent à qui mieux mieux et nous offrent de la bière en insistant lourdement. Ça coule à flot si bien que Denise en a un peu partout sur son installation de pique-nique. Charles tente tant bien que mal de faire la conversation à ces joyeux lurons, mais après une quinzaine de minutes, ils deviennent de plus en plus envahissants, si bien que nous plions bagage et accompagnés de la fillette, nous allons plus loin dans le village pour trouver un endroit où rester pour la nuit. En effet, aujourd’hui, nous sentons que nos jambes ont besoin d’une petite pause, si bien que nous optons pour un petit hostal. Quelle n’est pas notre surprise de réaliser en fin d’après-midi que nos 3 fêtards sont quasiment nos voisins d’hôtel! Ah! misère! Mais heureusement pour nous, le taux d’alcoolémie élevée qu’ils ont atteint les met KO assez rapidement en soirée si bien que la nuit sera calme…du moins jusqu’à 5 hres du matin où nous entendons le bruit tonitruant de leur voiture qui repart dans la même direction que nous. Fiou! Nous préférons les savoir devant nous que derrière!
La route qui nous attend ce jour-là, grimpe jusqu’à 3,500 mètres d’altitude! Nous constatons que nos jambes et nos poumons supportent bien le dur travail de cette ascension et tout heureux, nous décidons de monter la tente au sommet de cette passe de moyenne altitude. Ça sera une bonne façon de nous acclimater de nouveau aux hauteurs vertigineuses qui nous attendent dans les prochaines semaines au Pérou. Nous avons l’impression de dormir près des étoiles tellement nous dominons les sommets alentour. Une superbe pleine lune ajoute à la magie du moment.
La journée suivante est faite de descentes…et de remontées! L’état de la piste, sablonneuse à souhait, fait que les dérapages sont fréquents et nous devons même nous résoudre à pousser les vélos par moments. Charles grogne souvent, disant qu’il a l’impression de tenter de rouler sur une plage! Denise s’arc-boute sur les guidons et pousse de toutes ses forces, rêvant de descente vertigineuse sur bitume…Arrivés à l’entrée de Puquina, nous hésitons à descendre au village. En effet, une pente impressionnante mène à la petite place centrale, mais il faut absolument nous ravitailler. Le village s’avère charmant, et nous en profitons pour dîner d’un bon ‘menu del dia’ pour quelques ‘soles’ . En regardant la pente qu’il faut remonter, nous décidons d’accepter l’offre d’une femme qui se présente comme une guide du coin: elle nous dit que quelqu’un avec une mini-van va venir nous prendre dans 10 minutes pour nous ramener au moins sur la route principale. Mais au bout de plus de 30 minutes d’attente, nous nous résignons à pousser les vélos sur ce pan de mur qu’est la rue principale de Puquina. Y en aura pas de facile disait quelqu’un!
Nous avons au moins la consolation de rouler ensuite sur du bitume. Ça reste cependant assez côteux, si bien qu’à la sortie de Santa Rosa, quand nous apercevons la pente à venir, nous décidons de camper sur le terrain de soccer juste en bordure de ce petit bourg. Évidemment, nous demandons la permission aux gens, et personne n’y voit d’objection, on s’inquiète même que nous ayons froid.
Nous passerons une nuit douillette dans nos duvets, si ce n’est le réveil un peu brutal, un peu avant 5 heures du matin. En effet, une petite camionnette arrive au village et nous entendons: « Poisson, poisson, qui veut du beau poisson? » ou quelque chose comme ça. Imaginez la voix criarde, amplifiée par un vieux haut-parleur grésillant, seulement interrompue quand le bonhomme s’arrête pour un client mais alors là, c’est la musique qui prend le relais, à haut volume. Et ça dure environ une heure! Charles a quasiment envie d’aller lui acheter tout son stock pour qu’il reparte! Pourtant, Santa Rosa n’est qu’un minuscule village d’une trentaine de maisons tout au plus. Notre homme tient probablement à être sûr que tout le monde est bien réveillé avant de repartir.
Tant pis pour la grasse matinée, une autre longue journée nous attend. Cette fois, nous comptons bien arriver à Arequipa aujourd’hui, et la route promet de descendre car la ville est à 2,335 mètres d’altitude. Mais ce n’est pas si simple. Des montagnes, ça reste des montagnes et nous descendons bien un long moment, mais arrivés à une intersection un choix s’offre à nous: 40 km de gravier OU 49 km d’asphalte, pour arriver à Arequipa. Après consultation d’au moins 3 personnes, on nous dit que la route d’asphalte est plus facile, qu’il n’y a qu’une ‘subidita’ (petite montée). Comme nous avons goûté amplement aux ‘joies’ des routes de gravier, nous optons pour le 49 km de bitume. Mauvaise décision! Ce qu’ils appellent une ‘subidita’ se révèle deux longues ascensions à fort gradient, et en plus, nous nous sommes éloignés des volcans qui nous offraient jusque là des points de vue spectaculaire. Pourtant, nous devrions maintenant savoir que les Péruviens ne voient pas les montagnes du même point de vue que les cyclistes.
Finalement, après la traversée de mornes banlieues, nous arrivons Plaza de Armas à Arequipa. Quel spectacle! La cathédrale fait tout un côté de la place et derrière, se pointent les sommets de 3 volcans: le Chachani, le Misti et le Pichu Pichu. Nous trouvons pour pas cher (23$/nuit), un petit appartement sympathique tout près du centre historique. Quel plaisir de s’installer pour une semaine!
Après une intense journée de magasinage, tout le matériel volé ou presque est remplacé pour le plus grand bonheur de Denise. Il ne reste qu’à profiter de la ville et de ses nombreux attraits. Nous nous gâterons donc pour les prochains jours, histoire de refaire le plein d’énergie.
Ce qui nous attend ensuite? Le canyon del Colca, un site incroyable à plus de 4,000 mètres d’altitude! Aguerris que nous sommes, nous comptons bien visiter cet endroit unique avant de repartir à l’assaut d’un autre coin des Andes péruviennes. Pérou, nous t’aimons!
À suivre…