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Faire 22 heures d’autobus, ça nous confirme que nous préférons de beaucoup voyager à vélo, mais quand il s’agit d’affronter 1,160 km de pampa balayée par les vents patagoniens, nous nous rendons à l’évidence, le bus est une excellente option. Laissez moi vous dire que nous savons maintenant de quoi nous parlons!
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Quand nous sommes arrivés à Esquel, nous pensions qu’un peu de repos serait suffisant avant de reprendre la route mais nos corps ne semblaient pas d’accord. Courbatures, douleurs dans les articulations, grande fatigue, tout indiquait qu’il valait mieux réévaluer la suite de notre itinéraire. En effet, nous espérions rejoindre Puerto Natales au Chili pour y célébrer Noël, mais il aurait fallu pédaler à un rythme d’enfer pour les prochaines semaines pour y arriver. De plus, tout le monde nous disait que la route à partir d’Esquel est plutôt monotone, pour ne pas dire inintéressante: grande étendue plate, peu de villages, et surtout, des vents d’intensité très élevée presque toujours de l’ouest ou du sud-ouest, donc en plein de face pour nous.
C’est pourquoi nous avons choisi de faire le trajet en autobus d’Esquel à El Calafate, dans un premier temps. De là, nous repartirions à vélo pour Puerto Natales, quelques 285 km plus au sud. De la fenêtre de l’autobus, nous avons pu constater qu’il est parfaitement vrai de dire que cette région est monotone et nous sentions le véhicule vibrer à tout bout de champ sous la force du vent. Alors 22 heures dans un bus contre à peu près 15 jours à pédaler dans ce vent? Nous avions fait le bon choix!
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À El Calafate, nous nous sommes permis une petite vacance avant de reprendre le vélo. Bien installés dans une jolie cabana, nous avons fait du tourisme. D’abord, nous avons visité le Glaciarium, un musée qui explique en long et en large le processus menant à la création des glaciers avant d’aller passer une journée complète à en observer un, le Perito Moreno, au parc national de Los Glaciares. Des passerelles sur environ 4 km permettent d’admirer de près cette merveille de la nature. Toute la journée, nous entendons des craquements et des grondements en coup de tonnerre quand d’énormes blocs se détachent et tombent dans le lac où s’avance le fleuve de glace. Tout le monde guette, caméra au poing, histoire de capter ces moments impressionnants!
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Après 3 jours de congé, en pleine forme, nous repartons d’El Calafate, à vélo, d’abord en direction est. C’est donc avec un bon vent de dos que nous filons pour un premier 32 km, puis nous tournons vers le sud-est et le vent de trois quarts arrière continue de nous aider à avancer, bien que parfois un peu déstabilisant à mesure qu’il prend de l’intensité en après-midi. Mais ça roule tellement bien que vers 14 heures, après 97 km, nous atteignons l’intersection avec la vieille route 40, à un point appelé El Cerrito. C’est ce tronçon non pavé que nous envisageons de prendre le lendemain.
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Nous savions, grâce à Paul et Jan, des cyclistes de Vancouver que nous avions suivi via leur blogue, qu’une petite maison y était disponible pour abriter les cyclistes, c’était donc rassurant de savoir que nous aurions un toit pour la nuit. Nous y sommes arrivés à peu près en même temps que 2 autres couples de cyclistes, d’abord Ricard et Alba, de Barcelone, puis Kathleen et Mark, des Belges. Pas de problème, il y a suffisamment d’espace pour tout le monde, même si le confort est très rudimentaire (pas d’eau, pas de toilettes, pas de chauffage). Mais juste à côté, il y a l’édifice des travaux publics. Mario, l’un des gardiens de l’endroit, nous explique que cette petite maison de chantier est à notre disposition et ils nous offrent généreusement de prendre une douche chaude dans l’édifice principal. Le vent siffle toute la nuit…nous sommes bien chanceux d’avoir un toit solide au-dessus de la tête!
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Le lendemain, nous repartons tous les six sur la vieille route 40, un tronçon encore en gravier, mais cela nous permet un raccourci de 90 km. Le début se passe plutôt bien, la surface étant acceptable et miracle, il n’y a pas de vent! Nous rencontrons un couple d’Irlandais à vélo aussi, qui nous dit que la route va se détériorer…et ils ont raison, ça devient de plus en plus cahoteux, les roues patinent et rebondissent sur de grosses roches. Nous devons travailler dur pour maintenir les guidons droits! Mais jusque là, ça va quand même pas si mal, car après tout, ce n’est pas la première route de gravier que nous affrontons. Mais à 11 heures exactement, ça y est, le vent se lève! Nous l’avons d’aplomb de trois quarts avant! Pas besoin de vous dire que le reste de la journée a été difficile. Chutes à répétition, dérapages, nous peinons à garder les vélos debout. Pour couronner le tout, une petite pluie cinglante tombait par moments! La galère totale!
Denise raconte:
« À un certain moment en après-midi, je me suis sentie tout à coup complètement épuisée, je n’avais plus aucune énergie, j’avais même de la difficulté à respirer tellement l’effort était intense. Je n’arrivais plus à remonter sur le vélo, les rafales me faisaient carrément tourner dans l’autre sens! La panique commençait à m’envahir…nous étions au milieu de nulle part et il restait encore 4 kilomètres au moins avant d’arriver à un abri. Cela me paraissait tellement loin encore! Que ferions-nous si je n’arrivais plus à avancer? J’ai dû puiser dans mes dernières réserves pour continuer, un coup de pédales à la fois, relevant mon vélo après chaque chute, poussant de toutes mes forces pour le faire avancer. Charles est finalement venue à ma rescousse pour les derniers mètres et les autres cyclistes m’ont applaudi à mon entrée dans le refuge…Cela m’a fait chaud au coeur.»
Charles raconte:
« Nous sommes sur l'ancienne route 40 entre le point nommé El Cerrito et Tapi Aike. Ici le vent souffle à 70 km/h et je ne parle pas des rafales qui elles, peuvent atteindre jusqu’à 100 km/h. Ça te défrise un chauve en moins de deux! Nous avons de la difficulté à avancer en ligne droite et nous nous voyons parfois changer de cap à 180 degrés contre notre gré! La route de gros gravier est affreuse et Denise peine à tenir son vélo sur la route. Dans mon miroir, je viens de la voir tomber, encore une fois mais elle se relève, arrache son vélo du sol et marche a côté quelques pas avant de le chevaucher de nouveau pour tenter de le dompter et de vaincre ce satané vent patagonien . En effet, ici les « pattes agonisent »…Quand je la vois se mettre à marcher à côté de son vélo à deux kilomètres de l'arrivée, je sais que rien ne va plus. Elle est vidée... me dit de continuer...qu'elle va me rejoindre. Arrivé à notre refuge, j'y laisse mon vélo et repars en marchant à sa rencontre pour finir le trajet en poussant son vélo. Ouf! "We made it »
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Nous étions enfin arrivés à Tapi Aike! Pas grand-chose à cette intersection à part une petite station d’essence, un mini-dépanneur et un bâtiment servant au personnel d’entretien des routes. Mais nous avions comme information qu’il était possible de s’y abriter. En effet, on y offre l’hospitalité aux cyclistes assez fous pour affronter les vents patagoniens. Deux cyclistes argentins que nous avions précédemment rencontré sur la route 40 peu après Malargue sont déjà logés dans une des roulottes de chantier, alors Daniel, le préposé actuellement en poste, nous installe dans la grande salle chauffée de l’édifice principal, nous explique que nous pouvons utiliser cuisine et salle de bain. Ils nous apportent même de vieux matelas pour la nuit. Notre hôte est tellement volubile et parle tellement vite, que nous apprécions que nos amis de Barcelone parlent un excellent anglais et nous servent de traducteurs par moments. Nous sommes terriblement fatigués mais Daniel part la musique à fond vers 21h30, après le repas. Il est tellement content d’avoir du monde avec lui qu’il semble prêt à tenir toute la nuit! Heureusement, Alba parvient à lui faire comprendre avec diplomatie que des cyclistes fatigués, ça va au lit plus tôt que les Argentins. Ouf!
Pendant la nuit, le vent qui s’était un peu calmé en soirée, reprend de plus belle. Tous levés vers 6 heures, nous nous sentons d’attaque, alors en route! Les Espagnols et les Belges nous devancent un peu, mais quand nous prenons la route à notre tour, quelques minutes plus tard, nous les voyons devant nous qui peinent à avancer. Nous nous lançons tout de même, pensant nous relayer, mais à peine 500 mètres plus loin, Charles tourne brusquement et c’est décidé, nous ne partons pas aujourd’hui. Il nous parait insensé de tenter de faire les prochains 60 km dans de telles conditions. Déjà, les muscles chauffent!
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Nous nous réinstallons donc chez Daniel qui nous dit simplement de faire comme chez nous. Nous remarquons aussi que les Argentins ne sont pas partis…Excellente décision! Au fur et à mesure que la journée avance, le vent prend de l’ampleur et nous voyons des nuages menaçants couvrir l’horizon dans la direction que nous devions prendre. Chapeau aux 4 autres cyclistes qui ont persévéré. Nous espérons qu’ils arriveront sain et sauf à un abri quelconque. Bien peinards dans notre grande salle chauffée, nous faisons plus ample connaissance avec les deux cyclistes argentins, Omar et Pablo. Ils ont respectivement 62 ans et 26 ans! L’an passé, ils ont pédalé la route 40 du nord de l’Argentine à Mendoza et cette année, ils font la partie sud. Le vent patagonien, ils connaissent! La stratégie, comme ils disent, c’est de partir quand le vent se calme…donc très tôt le matin, mais parfois, rien à faire, le vent gagne, alors vaut mieux attendre. Ce que nous ferons sagement, en profitant pour améliorer notre espagnol et en apprendre un peu plus sur les coutumes argentines en compagnie de nos nouveaux amis. Une bien belle journée!
Avant d’aller au lit, Daniel nous apprend que le lendemain, un ami vient le chercher en camionnette pour aller vers Rio Turbio et il nous offre de nous prendre avec nos vélos si le vent reste toujours fort. Très tentant, n’est-ce pas?
Au petit matin, Éole est fidèle au rendez-vous, mais il s’est calmé un peu. Cependant, le mercure a chuté drôlement car il a neigé pendant la nuit. Toutes les montagnes à l’horizon sont devenues blanches! Nos amis argentins se préparent bravement à prendre la route car pour eux, c’est un vent « pedaleable »…Nous, le vent, ça irait, mais avec ce froid, pas sûr! L’offre de Daniel tient toujours alors, hop! nous embarquons dans la camionnette pour les 75 km jusqu’à l’intersection de la route vers Rio Turbio, pas très loin de Puerto Natales, notre destination de fin d’année. Quand nous partons sur les vélos pour les 9 km qui restent jusqu’à Rio Turbio, nous sommes bien contents de notre décision: il fait un froid mordant amplifié par le fameux facteur de refroidissement éolien! Conclusion, comme on dit au Québec: il fait frette!!! Et dire qu’ici, l’été commence dans 2 jours! Ça promet.
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Nous sommes en avance sur notre plan alors pourquoi ne pas faire un arrêt dans cette petite ville, plutôt ordinaire, mais où nous trouvons une belle chambre chauffée, avec toutes les commodités, dans un petit hôtel. Sommes-nous devenus douillets? En fait, nous constatons tout simplement que nous sommes vraiment dûs pour des vacances, physiquement et mentalement, il nous faut récupérer complètement.
Demain, nous pédalerons les quelques 30 km qui restent jusqu’à Puerto Natales avec un sentiment d’accomplissement. Nous aurons atteint le point le plus au sud de notre trajet. Nous sommes fiers du chemin parcouru jusqu’à maintenant et heureux de pouvoir prendre enfin plus d’une semaine de repos pour la période de Noël. Nous avons réservé une petite cabana, histoire de nous faire un petit chez nous confortable pour un temps. Il sera bon de parler à la famille et aux amis via Skype ou FaceTime et de relaxer, tout simplement, tous les deux, ou avec d’autres cyclistes ou voyageurs au hasard des rencontres.
Dès le début de 2015, nous reprendrons la route vers le nord, à la découverte du Chili, cette fois, le 4e pays que nous visiterons en Amérique du Sud. Nous attaquerons la mythique Carretera Austral en janvier! Bien de nouvelles péripéties en perspective…
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À suivre…
Nous en profitons aussi pour souhaiter à tous ceux qui nous suivent au gré de nos aventures, de très Joyeuses Fêtes! Tous les petits mots d’encouragements que vous nous envoyez nous font chaud au coeur, alors n’hésitez pas à nous écrire, nous vous lisons toujours avec grand plaisir et nous tentons de répondre à tout le monde!
Denise et Charles